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04/04/2024

SERGIO FERRARI
Italie : Politique-spectacle et montée de l’extrême-droite
Entretien avec Michel Sodano à Agrigente

Sergio Ferrari, 25/3/2024
Traduit par Rosemarie Fournier
Original:Italia : Política-espectáculo y la ultraderecha en ascenso-Entrevista a Michele Sodano en Agrigento
Português Italiano

L'apparente stabilité de l'Italie institutionnelle cache aujourd'hui une réalité sociale complexe. Sa narration politique est également contestée. À seulement 28 ans, Michele Sodano fut élu en 2018 député national de la région d'Agrigente, en Sicile. À l'époque, il appartenait au Mouvement 5 étoiles (Movimento 5 Stelle, ou M5S). Dans ces années-là, cette organisation était un phénomène national particulier, en raison de son pouvoir de convocation et de la diversité de ses positions internes. M. Sodano a terminé son mandat en octobre 2022, mais plus en tant que représentant du M5S. En raison de divergences avec la direction, il fut exclu de son parti en février 2021, en même temps qu'une vingtaine de ses collègues parlementaires. Malgré son jeune âge, M. Sodano a accumulé un vaste curriculum professionnel. Diplômé en économie de l'université de Milan et en administration de l'université de Copenhague, il a travaillé pour le Programme des Nations unies pour le développement et dans diverses entreprises privées. Il dirige actuellement Immagina, une organisation/espace de travail collectif et un lieu de référence pour les rencontres de solidarité, situé dans le centre d'Agrigente. Interview.


Q : Entre 2018 et 2022, vous avez été député national, que retenez-vous de cette expérience ?

MS : C'était très riche, pas du tout négatif. Cela m'a permis de mieux comprendre l'essence de beaucoup de choses. En particulier, l'énorme vide de la politique institutionnelle et traditionnelle. J'ai l'impression - et ce que je dis est peut-être provocateur - que la différence aujourd'hui en Italie entre la droite et la gauche est fondamentalement une différence de narration, et non de contenu essentiel. Une narration que beaucoup de gens regardent comme s'il s'agissait d'un épisode de Big Brother ou d'une émission de Netflix. Cela a été particulièrement évident après les années du gouvernement Berlusconi, qui a fait de la politique un spectacle. Cela a conduit beaucoup de personnes à ne pas comprendre que la politique en général - et le Parlement en particulier - n'ont pratiquement aucun pouvoir réel aujourd'hui en Italie, aucune capacité à les représenter.

Q : C'est une affirmation très forte. Alors qui a le pouvoir en Italie aujourd'hui ?

MS : La grande finance, comme dans toute l'Europe, où règne ce capitalisme néolibéral dominant. L'Italie n'a pas de défenses immunitaires contre ce système. Elle a une tradition et une histoire extraordinaires qui permettent encore aux gens de penser qu'ils vivent dans un bon pays. Mais en réalité, ici, les multinationales et le capital financier peuvent faire ce qu'ils veulent et gouverner à leur guise. Je l'ai découvert lorsque j'étais député. La différence entre Giorgia Meloni aujourd'hui et le Parti démocrate (ex-Parti communiste) ou le Mouvement 5 étoiles hier, n'est que narrative. En réalité, ce que Madame Meloni met en œuvre aujourd'hui, en 18 mois de mandat, c'est ce que le gouvernement de coalition de Giuseppe Conte puis celui de Mario Draghi ont fait dans la période précédente. Ce sont eux qui ont ouvert les portes à toutes les grandes privatisations et celles-ci continuent, comme dans le secteur de la santé.

Cependant, le projet stratégique de Giorgia Meloni est une synthèse des propositions des trois principaux secteurs qui composent son gouvernement. Son parti, Fratelli d'Italia, cherche des réformes pour remplacer la démocratie représentative par un système présidentiel fort. La Lega de Matteo Salvini propose un modèle d'autonomie régionale, pour continuer à favoriser le nord au détriment du reste de l'Italie. Forza Italia, le parti mafieux créé par Berlusconi, milite pour une réforme de la justice afin d'instaurer une impunité totale dans le pays. Il n'est pas dit que cette proposition stratégique sera mise en œuvre, mais ils essaient…

Le drame d'un discours imposé

Q : Dans ce contexte, n'est-il pas vraiment inquiétant que l'Italie soit aujourd'hui gouvernée par une dirigeante qui puise ses origines dans le militantisme néo-fasciste ?

MS : Bien sûr que c'est dramatique, parce que Madame Meloni et la droite avancent des propositions idéologiques très négatives pour le développement de la conscience humaine. Parce que leur xénophobie, leur peur de l'autre, leur rage contre ceux qui sont différents d'un point de vue idéologique, tout cela crée d'énormes dégâts et est très dangereux.

Q : Pensez-vous que ces impulsions, ces messages et ces concepts sont irréversibles ?

MS : Je ne peux pas évaluer le niveau de réversibilité ou d'irréversibilité des arguments avancés par l'extrême droite. L'histoire est faite de thèses, antithèses et synthèses. Je ne peux pas dire si l'antithèse de tous ces abominables contenus idéologiques sera atteinte. Ce que je constate, c'est un démantèlement accéléré de tout ce qui est culturel, au sens large du terme. Aujourd'hui, je perçois que beaucoup de gens ont peur des immigré·es et reprennent sans arguments le message des "immigrés ou réfugiés qui ne viennent que pour voler et profiter". Il existe sans doute encore un secteur conscient et solidaire dans la société italienne, mais il est réduit. Il existe aussi un groupe majoritaire parmi les secteurs populaires. Ceux-ci ont peur et souffrent chaque jour davantage de la crise économique. Face au risque de finir affamés, beaucoup d'Italien·nes du peuple deviennent conservateurs et adoptent sans critique les arguments xénophobes.

Q : Avez-vous eu peur lorsque le parti de Madame Meloni, Fratelli d'Italia, a gagné en 2022 ?

MS : Ce n'était pas de la peur mais de l'inquiétude. Et plus encore, un sentiment très étrange : si Madame Meloni est là, c'est parce que le camp progressiste italien a déroulé le tapis rouge.

Q : Pour bien comprendre, je vous demande à nouveau : selon vous, le gouvernement actuel promeut plutôt un changement d'idéologie et de récit politique plutôt qu'un changement profond de programme ?

MS : Je pense que c'est le cas même s’il a une vision stratégique dangereuse. Par exemple, il a trouvé des arguments et des mesures pour s'opposer aux raves (nombreuses et clandestines, NDLR) pour interdire la viande synthétique ou encore pour imposer des amendes pour l'utilisation de mots anglais. Il entraîne l'opinion publique et le débat citoyen autour de ces questions non essentielles.

Cependant, dans le même temps, il annule les dettes historiques des grandes entreprises et permet aux multinationales de faire ce qu'elles veulent. Il annule le Reddito di cittadinanza [Revenu de citoyenneté], cette subvention très importante de 700 euros pour chaque famille en-dessous du seuil de pauvreté, l'une de nos grandes réalisations lorsque notre Mouvement 5 étoiles était au gouvernement. C'est terrible, parce qu'avec leurs mécanismes médiatiques, Madame Meloni et les siens imposent comme vérité absolue que cette subvention était injuste et que “les gens doivent travailler”. Comme si le problème n'était pas la pauvreté systémique d'une grande partie de la population, mais le refus de travailler. Ils investissent tout et profitent de la pauvreté et du désespoir des gens. C'est pourquoi j'insiste pour parler du grand problème du récit politique des groupes dominants.

Q : Le récit de la droite et le démantèlement des conquêtes sociales...

MS : Sans aucun doute. Lorsqu'en 2018, notre mouvement a acquis l’ampleur qui lui a permis d’arriver au gouvernement, nous avons eu le sentiment que la justice avait triomphé. J'ai été élu député avec le soutien de plus de 50 % des électrices et électeurs de ma ville. Beaucoup d'Italien·nes ont vécu tout cela comme une révolution extraordinaire. Nous avons pu légiférer sur des avancées impressionnantes, comme la subvention pour les plus démuni·es, ou l'obligation de contrats de travail fixes et sûrs après deux ans de travail dans la même entreprise. Nous avons réussi à abolir la publicité pour les jeux d'argent dans un pays où ces jeux augmentaient sans cesse en raison du désespoir économique de nombreuses personnes. Mais rapidement, les concessions à la droite et à l'extrême droite ont commencé et nous avons perdu chaque jour un peu plus de terrain.

 

 

La chute d'une grande illusion

Q : Cela a-t-il provoqué une crise interne au sein du Mouvement 5 étoiles ?

MS : C'est exact. Un groupe d'entre nous qui, en tant que députés européens, ne soutenait pas la nomination de Mario Draghi au poste de premier ministre en 2021, a été exclu du Mouvement et a formé un groupe parlementaire indépendant. Draghi, selon nous, représentait l'élite européenne néolibérale et mondialiste. Il a été directeur exécutif de la Banque mondiale puis, pendant huit ans, président de la Banque centrale européenne. L'extrême droite et la droite, ainsi que le parti démocrate et le M5S, se sont à nouveau rangés derrière lui. Sa nomination était quelque chose que notre décence politique ne pouvait plus accepter.


Q : Lorsque la guerre a éclaté en Ukraine, votre groupe de membres expulsés du M5S s'est distancié de tout soutien militaire à l'Ukraine et à ce conflit en général...

MS : En effet. Cette guerre sape tout rôle stratégique que l'Europe entend jouer. En tant que continent, nous ne sommes que des vendeurs d'armes alors que nous aurions dû faire entendre une voix forte et alternative en faveur de la paix. Et attention, je pense qu'il aurait fallu encourager une distance saine avec Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine. J'ai le sentiment qu'aujourd'hui l'Europe, en tant que concept d'un projet original dans la construction d'un continent égalitaire et juste, est très affaiblie.


Q : Enfin, votre organisation IMMAGINA vient d'ouvrir ses portes pour présenter Grand Hotel Coronda, un livre écrit par les prisonniers politiques de la prison argentine de Coronda pendant la dictature militaire. Et dans la même salle se tiennent les réunions régulières des différents groupes et forces qui prônent la paix en Palestine...

MS : Pour nous, IMMAGINA est un espace ouvert, en construction, humain et profondément solidaire. L'objectif principal que nous poursuivons est de donner un petit sens d'éternité à ce moment que nous vivons ici et maintenant. Il ne s'agit pas d'un projet achevé ou fermé. Les portes de nos locaux sont ouvertes à tous. Nous avons l'intention, en particulier ceux d'entre nous qui font partie d'IMMAGINA, de nous réapproprier la vie. Et cela implique deux concepts principaux : faire communauté et contribuer au bonheur collectif. Dans notre pratique collective, nous cherchons à promouvoir des activités et des propositions au niveau micro sans oublier le niveau macro de notre ville et de notre région. Avec beaucoup d'humilité et pas à pas, sans désespoir.

 

La solidarité internationale continue de mobiliser des groupes de solidarité active. Peinture murale de Rosk & Loste, quartier de La Kalsa, Palerme. Photo Sergio Ferrari.

Dans ce contexte, la solidarité est pour nous un concept fondamental. Combattre tout ce qui appauvrit aujourd'hui notre société planétaire : les frontières, les guerres qui profitent à quelques multinationales, les polarisations entre les régions et les États. Nous sommes tous des êtres humains issus d'une seule et même planète. Nous devons nous préserver les uns les autres, ne pas nous battre les uns contre les autres, et prendre soin de notre planète ensemble.

SERGIO FERRARI
Italia : Politica-spettacolo ed estrema destra in ascesa
Intervista a Michele Sodano ad Agrigento

Sergio Ferrari, 25/3/2024
Originale: Italia : Política-espectáculo y la ultraderecha en ascenso-Entrevista a Michele Sodano en Agrigento
Português Français
Tradotto da
Alba Canelli, Tlaxcala

L’apparente stabilità istituzionale dell’Italia nasconde oggi una realtà sociale complessa. Anche la sua narrativa politica è in discussione.

A soli 28 anni, nel 2018 Michele Sodano è stato eletto Deputato Nazionale per la circoscrizione di Agrigento, Sicilia. Ha fatto parte del Movimento 5 Stelle, organizzazione che in quegli anni è diventata un fenomeno nazionale di particolare interesse per l’incredibile capacità di coinvolgere la popolazione, nonché per la forte differenziazione delle posizioni interne. Sodano ha concluso il suo mandato nell'ottobre 2022, non più come rappresentante del M5S. A causa di divergenze con la leadership legate all’elezione di Mario Draghi a Premier, nel febbraio 2021 è stato espulso dal suo partito insieme a una ventina di suoi colleghi parlamentari. Nonostante la sua giovane età, Sodano ha accumulato un ampio curriculum professionale. Laureato in Economia presso l'Università Bocconi e specializzato presso l'Università di Copenaghen, ha lavorato con il Programma di Sviluppo delle Nazioni Unite e in diverse aziende private. Attualmente dirige Immagina Aps, associazione/coworking, luogo di riferimento per incontri culturali, progettazione e solidarietà, che può contare su una struttura situata nel cuore di Agrigento. Ecco l’intervista esclusiva a questo giovane intellettuale impegnato, convinto pacifista e riferimento “apartitico” per i gruppi cittadini della sua città.


D: Come lo presento?

Michele Sodano (MS): Domanda difficile. Normalmente, nella nostra cultura, ci presentiamo tutti con ciò che facciamo. Nel mio caso, in questo momento della mia vita, sto dando la priorità a quelle che ritengo attività per la mia comunità; inoltre apprezzo e valorizzo al massimo il tempo che posso dedicare a me stesso, cosa che fino ad ora non ho mai potuto fare. Mi sento molto fortunato se penso di potere rifiutare il modello imperante della società contemporanea che ci vuole tutti impegnati a vivere principalmente per il lavoro in azienda e finire così prigionieri di una logica consumistica che può essere paragonata ad un grande carcere di lusso.

D: Vuole dire che la sua priorità oggi è quasi esistenziale?

MS: Totalmente. Percepisco intorno a me tante persone depresse, tristi; questo avviene perché nella maggior parte delle volte, non sappiamo più nemmeno per cosa si è in vita. I modelli di successo che ci vengono proposti sono molto lineari: produrre per un’azienda attraverso il sacrificio del nostro tempo, andare in pensione e poi vivere in libertà forse solo gli ultimi anni della nostra esistenza. Ma adesso sempre più esseri umani cominciano ad intuire che la loro vita non debba ruotare interamente intorno ai concetti di lavoro e reddito. La vita, nel suo miracolo, deve essere molto più di questo. Io l’ho imparato quando ho dovuto affrontare una pesante malattia all’età di 17 anni. È stato un momento di totale cambiamento per me. Attenzione non sto in alcun modo demonizzando il concetto di lavoro, credo però che questo debba corrispondere a un vero contributo, calibrato sulla nostra natura, le nostre più intime aspirazioni e le nostre capacità, al mondo che ci circonda e agli esseri umani che lo popolano.

 

Politica tradizionale in crisi

D: Una riflessione sorprendente perché espressa dopo quattro anni vissuti in maniera frenetica, da un Deputato Nazionale che ha vissuto a Roma, che ha preso decine di voli tra la capitale italiana e Agrigento, la sua città…

MS: È stata un'esperienza ricca, per niente negativa che non rinnego affatto. Mi ha permesso di comprendere meglio l’essenza di molte cose. Non voglio essere arrogante, ma penso che adesso ho maggiore lucidità per interpretare certe situazioni e fenomeni. In particolare, comprendere nell’interezza del fenomeno l’enorme vuoto della politica. Ritengo, e forse ciò che dico può sembrare provocatorio, che oggi, almeno in Italia, la differenza tra destra e sinistra sia per lo più una questione di narrativa, non di sostanza o di contenuto essenziale. Siamo bombardati costantemente da una narrazione come un episodio di  una serie Netflix, siamo molto lontani da qualsiasi contenuto sostanziale. Ciò è stato particolarmente evidente dopo gli anni del governo Berlusconi, un ventennio che ha ridotto quasi a zero gli strumenti di analisi sociale e che ha trasformato la dimensione politica a quella dello spettacolo. Tutto ciò ha portato la maggior parte della popolazione a non percepire nemmeno che oggi la politica tutta, e il Parlamento in particolare, si è svuotata di ogni potere reale, nessuna capacità di rappresentare il proprio popolo.

D: È un'affermazione molto dura. Allora chi ha il potere oggi in Italia?

MS: La grande finanza, come in tutta Europa, dove domina questo capitalismo neoliberista dominante. Ma l’Italia, in particolare, non ha più difese immunitarie contro questo sistema. Ha una tradizione e una storia straordinaria che ci inducono a pensare di vivere in un buon Paese. Ma in realtà qui multinazionali e capitale finanziario possono fare quello che vogliono, governare come vogliono e porsi all’apice di ogni processo decisionale. Io ho avuto la possibilità di appurarlo per vie dirette, da Deputato della Repubblica. La differenza tra Giorgia Meloni, oggi al governo, il Pd (ex Partito Comunista) e il Movimento 5 Stelle è principalmente di narrativa. Infatti quello che la Meloni sta mettendo in pratica oggi, in 18 mesi di governo, non è dissimile da quanto hanno fatto, nel periodo precedente, Giuseppe Conte o Mario Draghi (ultimi due premier prima della Meloni). Sono stati proprio loro a spalancare le porte a tutte le principali privatizzazioni, come quelle nel settore sanitario e delle società pubbliche, che oggi continuano ad amplificarsi.

Un discorso per vincere la battaglia culturale

D: Secondo la sua analisi, non sembra poi così drammatico che attualmente l'Italia sia governata da un leader le cui origini affondano nella militanza neofascista…

MS: Non voglio negare che sia drammatico, perché la Meloni e la destra, in più rispetto al “campo progressista”, avanzano proposte ideologiche negative per lo sviluppo della coscienza umana. La loro xenofobia, l’esasperazione del concetto di patriottismo, la paura dell'altro, la rabbia verso chi è diverso, dal punto di vista ideologico e sociale creano danni enormi e sono molto pericolose.

D: Pensa che questi impulsi, messaggi e concetti siano irreversibili?

MS: Non posso valutare il livello di reversibilità o irreversibilità degli argomenti imposti dall'estrema destra. La storia è fatta di tesi, antitesi e sintesi. Non posso dire se, dopo tutti questi abominevoli contenuti ideologici propagandati direttamente dalla politica governativa, si raggiungerà una nuova fase di coscienza. Quello che vedo è un tremendo smantellamento, molto accelerato, di tutto ciò che è “critical thinking” e conoscenza nel senso più ampio del termine. Un disinvestimento concreto nella cultura, nell’istruzione, che incide direttamente sulle consapevolezze più radicate dei cittadini. Oggi, per esempio, molte persone reputano che il problema principale di questo Paese profondamente indebolito per mano delle banche e delle mafie, sia la presenza degli immigrati e il ​​messaggio immigrati o rifugiati che vengono solo per rubare e farsi gli affari propri” diventa dilagante, specie nelle fasce meno scolarizzate. Tuttavia, per fortuna, resiste ancora una nicchia consapevole e solidale; minoritaria, troppo piccola per incidere e incapace di organizzarsi. E così, di fronte a una povertà dilagante, molti italiani diventano conservatori e si appropriano acriticamente di argomentazioni bocciate dalla storia.

“Il campo progressista italiano le ha spianato la strada”

D: Ha avuto paura quando ha vinto Fratelli d'Italia, il partito della Meloni, nel 2022?

MS: Preoccupazione e soprattutto una sensazione molto strana: se la Meloni è qui è perché il campo progressista italiano le ha spianato la strada.

D: Le chiedo ancora, per capire bene: secondo la sua riflessione, l'attuale Governo, più che profondi cambiamenti di programma, promuove un cambiamento ideologico e di narrazione politica?

MS: Penso di sì. Ad esempio, i primi provvedimenti approvati sono misure  ridicole, decreti per opporsi ai “rave party” o per rendere illegale la carne sintetica, o ancora circolari per vietare l’uso di parole inglesi. E così la politica trascina tutta l’opinione pubblica e sposta il dibattito popolare su questioni non essenziali. Ma allo stesso tempo, devo anche dire che si porta il Paese nel passato, si condonano i grandi imprenditori con enormi evasioni fiscali, si permette alle multinazionali di avere carta bianca su tutto. Hanno anche cancellato il Reddito di Cittadinanza, che era un importantissimo sussidio di 700 euro per ogni famiglia sotto la soglia di povertà, una delle nostre grandi conquiste quando governava il Movimento 5 Stelle. È terribile, perché con l’enorme propaganda mediatica e sui social la Meloni e i suoi stanno radicando la percezione che questo strumento di redistribuzione della ricchezza era ingiusto e che “la gente deve lavorare”, non importa se perfino senza diritti o sotto sfruttamento. Come se il problema non fosse la povertà strutturale di una parte significativa della popolazione e l’incapacità a inserirsi nel mercato del lavoro, ma la mancanza di volontà di lavorare. Esasperano tutto e approfittano della disperazione della gente. Ecco perché insisto nel parlare del grande problema della narrativa dei gruppi politici dominanti, ma probabilmente anche Draghi e il Pd avrebbero, prima o poi, cancellato il Reddito di Cittadinanza.

D: Narrazione di destra e smantellamento delle conquiste sociali…

MS: Senza dubbio. Quando nel 2018 il nostro movimento ha raggiunto tale forza ed è salito al potere, abbiamo sentito che la giustizia aveva trionfato. Ho vissuto in Danimarca, dove ero già attivo con il M5S. Ho lasciato il mio lavoro lì per tornare in Sicilia e partecipare alla campagna elettorale regionale. Dopo sei mesi e a soli 28 anni, con una candidatura del tutto inaspettata e con il profilo di un giovane dalla parlata decisa e forte, sono stato eletto Deputato con il sostegno di oltre il 50% dell'elettorato della mia città. Molti italiani hanno vissuto tutto questo come una straordinaria rivoluzione. Siamo stati in grado di legiferare e portare a termini progressi impressionanti, come i sussidi per i più bisognosi, o l’obbligo di avere contratti di lavoro stabili e sicuri dopo due anni di lavoro nella stessa azienda. Siamo riusciti ad abolire la pubblicità del gioco d’azzardo in un Paese in cui il gioco d’azzardo era sempre più una piaga e continuava ad aumentare a causa della disperazione economica di molte persone. Ma le concessioni alla destra di Salvini con cui era partito il primo Governo sono iniziate rapidamente e ogni giorno perdevamo sempre più terreno. La stessa classe dirigente del Movimento 5 Stelle ha, a poco a poco, preso gusto e si è affezionata al potere, con la capacità di accettare compromessi sempre più a ribasso.

 

Svanisce una grande illusione

D: Questo ha causato la crisi interna al Movimento 5 Stelle?

MS: Esatto. Un gruppo di noi, che nel 2021 non ha sostenuto la nomina di Mario Draghi a primo ministro, è stato espulso dal Movimento e ha formato un gruppo parlamentare indipendente. Draghi, a nostro avviso, rappresentava l’élite europea neoliberista e globalizzante. Un uomo della Goldman Sachs, era stato direttore esecutivo della Banca Mondiale e poi, per otto anni, presidente della Banca Centrale Europea. Dietro Draghi si sono riuniti nuovamente la destra di Salvini e di Berlusconi, ma allo stesso tempo anche il Partito Democratico e il M5S. La sua nomina era qualcosa che la nostra decenza politica non poteva più accettare.

D: Un momento molto difficile nella sua carriera politica?

MS: L'espulsione del M5S ha rappresentato un evento molto amaro nella mia vita. Ma non potevo fidarmi di quel Governo che, come poi gli eventi hanno dimostrato, non avrebbe apportato alcun beneficio al nostro popolo. È stato triste perché ha rappresentato a mio parere la rottura definitiva di un processo partecipativo, quello del Movimento 5 Stelle, che non aveva eguali. Allo stesso tempo ritengo che la mia espulsione dal partito sia una sorta di medaglia al valore se la guardo dal punto di vista della mia etica. È stata una decisione di principio che ho preso sapendo che non avrebbe portato alcun beneficio personale. Ho fatto ciò che era giusto, non la cosa più conveniente per me ed è per questo che la considero un grande grido di libertà. Da subito, con gli altri colleghi con cui abbiamo creato il gruppo indipendente, abbiamo aperto una nuova fase della nostra vita parlamentare. Abbiamo presentato progetti di legge in totale autonomia e, per la prima volta, ho esposto nei miei interventi parlamentari i miei valori più radicali e le mie convinzioni, senza dover leggere un documento scritto da qualcun altro. Devo confessarti che è stata un'esperienza di cui sono molto orgoglioso. Altri colleghi, amici e colleghi Parlamentari del nostro movimento hanno continuato con la linea ufficiale. Provo per loro una specie di compassione, perché dev'essere molto difficile sentirsi bene, e a posto con la propria coscienza, dopo aver venduto l'anima al diavolo e tradito la volontà di milioni di elettori che ci avevano dato un preciso mandato: sovvertire il sistema.

La crisi di un’Europa con la guerra dentro

D: Quando è scoppiata la guerra in Ucraina, il vostro gruppo di M5S espulsi ha preso le distanze da ogni sostegno militare all'Ucraina e al conflitto in generale…

MS: Infatti. Questa guerra distorce qualsiasi ruolo strategico che l’Europa doveva svolgere. Come Unione Europea, siamo semplici venditori di armi quando avremmo dovuto alzare una voce forte e alternativa a favore della pace. Ritengo che oggi l'Europa, come concezione di un progetto originale nella costruzione di un continente egualitario e giusto, sia molto indebolita.


D: Per finire: la vostra organizzazione IMMAGINA ha appena aperto le sue porte per presentare Grand Hotel Coronda, un libro sui prigionieri politici nel carcere argentino di Coronda durante la dittatura militare. E in quella stessa sala si tengono le riunioni periodiche dei diversi gruppi e forze che difendono la pace in Palestina…

MS: Per noi IMMAGINA è uno spazio aperto, in costruzione, umano e profondamente solidale. L'obiettivo principale che perseguiamo è dare un piccolo senso di eternità a questo momento che viviamo qui oggi. Non è un progetto finito o chiuso. Le porte dei nostri locali sono aperte. Uno degli obiettivi fondamentali per cui abbiamo dato vita a Immagina, è riappropriarci della nostra esistenza. Questo implica due concetti principali: creare una comunità solidale e intellettualmente speculativa e contribuire alla costruzione della felicità collettiva. Con le nostre azioni cerchiamo di avanzare proposte e parlare di umanità, senza mai dimenticare gli aspetti caratterizzanti del nostro territorio. Con grande umiltà, passo dopo passo e con gioia, senza mai lasciarci prendere dallo sconforto.E in questo quadro la solidarietà per noi è un concetto fondante. Combattere tutto ciò che impoverisce oggi la nostra società planetaria: frontiere, guerre a vantaggio di pochissimi, divisioni tra le aree del mondo. Siamo solo esseri umani dello stesso meraviglioso universo e dobbiamo preservarci a vicenda, non combatterci, prenderci cura, insieme, del nostro pianeta.

  

Bakhita, affresco di Rosk & Loste, La Kalsa, Palermo. Foto Sergio Ferrari.


 

15/06/2023

SERGIO FERRARI
Ni fous ni morts : les anciens prisonniers politiques argentins de la Coronda entretiennent la mémoire et internationalisent l’espoir

Sergio Ferrari, La Pluma, 12/6/2023
Original :
Ex presos políticos argentinos | Celebrar la memoria, internacionalizar la esperanza: Ni locos ni muertos

Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Dans le cadre de la célébration du 20e anniversaire d’El Periscopio, je me suis entretenu avec trois des organisateurs de cette activité : Alfredo Vivono, de Rosario, Luis Larpin, de Santa Fe, et Augusto Saro, de Buenos Aires.

Pour les anciens prisonniers politiques de la prison de Coronda, dans la province de Santa Fe, en Argentine, la mémoire est une passion. Vingt ans après la publication de leur livre Del otro lado de la mirilla [De l'autre côté du judas], ils ont célébré samedi 3 juin leurs deux décennies de militantisme associatif contre l’oubli dans le sinistre ancien quartier général de la police de la ville de Rosario (300 kilomètres au nord-ouest de Buenos Aires).


Dans le bâtiment de l’ancien quartier général de la police de l’unité régionale II de Rosario, le service d’information (SI), le plus grand centre d’enlèvements illégaux de la région, opérait sous la direction du deuxième corps d’armée, au centre de la ville de Rosario. On estime qu’environ 2000 personnes y ont été enlevées, torturées et, dans de nombreux cas, victimes de disparitions forcées. L’ancien service d’information a été récupéré par l’État provincial en vue de la création d’un espace de mémoire, pour la défense, la promotion et l’expansion des droits.

Le 25 mai 2003, ils ont fondé l’association El Periscopio et lancé, non sans hésitation, la première édition de leurs témoignages collectifs et anonymes, avec une préface d’Adolfo Pérez Esquivel.

L’écrivain uruguayen Eduardo Galeano leur a ensuite offert un cadeau important, ses mots émouvants de reconnaissance pour la quatrième de couverture : « Ce témoignage des prisonniers de Coronda est une autre contribution à la mémoire collective. Il respire, caché sous l’amnésie obligatoire ».

Et à partir de ce moment, l’association El Periscopio - ce petit instrument clandestin utilisé par les prisonniers de Coronda pour suivre depuis les cellules les mouvements des gardiens dans le bloc cellulaire - n’a cessé de multiplier les initiatives en faveur de la Mémoire, de la Vérité et de la Justice.

 
Au cours des vingt dernières années, trois éditions du livre ont été publiées en espagnol, avec plus de 10 000 exemplaires vendus. En 2020, au plus fort de la pandémie en Europe, Ni fous ni morts l’édition française - déjà épuisée – a été publiée par les Éditions de l’Aire, de Vevey, en Suisse. En septembre dernier, c’était au tour de la version italienne, cyniquement intitulée Grand Hotel Coronda, publiée par la prestigieuse maison d’édition romaine Albatros Il Filo. Et avant la fin de l’année 2023, une édition portugaise est prévue, en collaboration avec la maison d’édition Expressão Popular de São Paulo, étroitement liée aux acteurs sociaux brésiliens les plus dynamiques, en particulier le Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST).


Dès le début, le mot d’ordre d’El Periscopio était clair : « Il faut militer pour le livre ». Des centaines d’activités publiques dans les quartiers, les écoles, les universités, les centres culturels, les théâtres, les cinémas, les paroisses et les syndicats, tant en Argentine qu’en Europe, ont accompagné la promotion de ce témoignage écrit. Les plus récentes ont été les sept présentations durant la deuxième quinzaine de mai dans six villes de Sicile, auxquelles ont participé plus de 350 personnes, principalement des jeunes des lycées d’Agrigente et de Favara, dans le sud de l’île.

Dans le cadre de la célébration du 20e anniversaire d’El Periscopio, je me suis entretenu avec trois des organisateurs de l’événement : Alfredo Vivono, de Rosario, Luis Larpin, de Santa Fe, et Augusto Saro, de Buenos Aires.


Alfredo Vivono

Histoire collective

« Lorsque nous avons imaginé de célébrer notre vingtième anniversaire, nous avons décidé de le faire simplement et dans un lieu qui nous aiderait à nous souvenir à la fois de la répression dictatoriale et de la résistance contre celle-ci - comme l’ancien siège de la police de Rosario. Et nous avons décidé de nous réunir avec d’autres personnes qui, comme nous, ont été impliquées dans la résistance collective et ont toujours continué à contribuer à la construction de la mémoire », se souvient Alfredo Vivono. Il ajoute : « Nous faisons partie d’un ensemble qui a connu de nombreuses formes de lutte contre le même ennemi et sa méthode quotidienne de terrorisme d’État ». Enfin, explique Vivono, « Celebrar vient de celebrare, celeber, qui signifie nombreux, encombré, abondant. Ce à quoi El Periscopio ajoute également les concepts de collectif et d’unitaire. Collectif et unitaire, comme l’a toujours été tout ce que nous avons fait: depuis cette merveilleuse résistance dans les prisons de Cordoba jusqu’à cette célébration à Rosario. De la première édition de Del otro lado de la mirilla aux centaines de présentations et d’initiatives que nous avons inlassablement promues en Argentine et à l’étranger ». 


Luis Larpin

Luis Larpin, également membre du conseil d’administration d’El Periscopio, souligne : « Notre expérience est aussi collective que l’a été la résistance populaire à la dictature dans les prisons, dans les centres de détention illégaux, dans la lutte pour les droits humains, dans les rues, dans la solidarité internationale ». Comment célébrer aujourd’hui le 20ème anniversaire de l’association en cohérence avec cet “esprit périscopien” qui animait la résistance unie et fraternelle de Coronda, s’interroge Larpin. La réponse est toute trouvée : « En invitant des représentants de quelques-unes des nombreuses initiatives qui œuvrent à la recréation collective de la mémoire. En les reconnaissant et en nous reconnaissant en eux ».

Absences

La célébration à Rosario s’est ouverte par un montage audiovisuel avec des images de ses 20 ans d’existence. Elle s’est achevée par le non moins émouvant film de 12 minutes, Retorno a Coronda, d’Alberto Marquardt, cinéaste argentin basé en France et ancien prisonnier de Coronda. Il s’agit d’un témoignage de la visite effectuée en octobre 2019 par huit anciens détenus politiques à la prison de Santa Fe.

Dans le cadre de cette activité, El Periscopio a remis des plaques de reconnaissance à près de 30 associations, groupes et personnes, tels que les anciennes prisonnières politiques de la prison de Devoto, autrices du livre Nosotras, l’Instituto Venadense por Memoria, Verdad y Justicia (Venado Tuerto), les anciens prisonniers politiques de la prison de Mendoza, qui ont publié No nos podían et le Colectivo de la Memoria de Santa Fe, entre autres. Le programme Postas de la Memoria, les auteurs de Historias de Vida, de la Sonrisa no se rinde, La Mirada et Capitana Editorial et leur ouvrage Impresas Políticas, ainsi que le quotidien Página 12 ont également été honorés. Graciela Camino et Gabriela Robles, deux personnalités importantes du monde du théâtre et de la communication audiovisuelle, ont également été récompensées. La première a dirigé, avec María Moreno, Coronda en Acción, qui a connu un grand succès en 2006, tandis que Robles a coordonné une expérience audiovisuelle en quarantaine sur Coronda pendant la pandémie.

La liste comprenait également des noms individuels, pour la plupart d’anciens prisonniers politiques ou des membres de leur famille qui, de par leur position professionnelle/militante (dans des domaines tels que la communication, le syndicalisme, la performance artistique, la peinture, l’historiographie, etc.), ont soutenu et soutiennent la lutte pour la mémoire : Victorio Paulón, Daniel Gollán, Hugo Soriani, Raúl Viso, Jorge Miceli, Raúl Borsatti, Jorge Giles, Alba Acosta, Rubén Mensi, Luciano Sánchez, Carlos Samojedny et Carlos del Frade. En outre, des syndicats ou des institutions qui ont toujours fait preuve d’une solidarité active avec les anciens prisonniers de Coronda. Entre autres, Puerto Libro, les syndicats SADOP et CTERA, ainsi que le Secrétariat des droits humains de Santa Fe.

Luis Larpín souligne : « Nous nous reconnaissons dans chacun·e d’entre eux·elles, qui ne sont pas seulement des “allié·es” de notre histoire commune, mais aussi des points de référence pour poursuivre notre propre chemin ». C’est pourquoi il ne s’agissait pas de décerner des distinctions ou des prix. « Il s’agissait simplement de les reconnaître pour tout ce qu’ils·elles ont fait et continuent de faire pour une autre Argentine possible. Notre reconnaissance est une gratitude. Notre hommage signifie de plus grands défis pour l’avenir et l’impossibilité d’abandonner ou de s’arrêter en pensant que la tâche est déjà accomplie ».

Absences

« Le bonheur profond éprouvé en ce moment de retrouvailles ne nous empêche pas de ressentir - avec non moins d’émotion - les nombreuses absences », explique Augusto Saro, président du conseil d’administration d’El Periscopio.

« Nous sommes une génération marquée au fer rouge par le vide », souligne-t-il. « C’est le prix que nous payons pour la générosité de ce dévouement inconditionnel et sans limite. Ce sont les 30 000 disparus, ainsi que Daniel Gorosito, Luis Alberto Hormaeche, Raúl San Martín et Juan Carlos Voisard, nos quatre camarades assassinés à Coronda. Ce sont aussi ceux qui nous ont été enlevés au cours des deux dernières décennies. Ils font tous partie de l’essence de notre collectif. Ils nous manquent beaucoup, même si nous sentons que nous continuons à marcher ensemble ».

Saro a cette réflexion : « Quel immense privilège de penser que, lors de cette célébration à Rosario, nous sommes en train de récolter la vie ! Dans ce lieu (l’ancien siège de la police), où les génocidaires ont semé la torture et la mort. Nous voyons dans cet espace au symbolisme si particulier que, avec nous, il y a les mères, les grands-mères et les fils. Et les ex-prisonniers, ainsi que beaucoup de nos proches.  La vérité a triomphé, dit Saro. Une pause, un silence et une affirmation catégorique : « Tout comme la justice a prévalu ». Et il rappelle la victoire juridique qu’El Periscopio a obtenue avec le soutien de l’équipe juridique de HIJOS [association des enfants de disparus] à Santa Fe dans le procès dit de Coronda. En mai 2018, les deux commandants de la gendarmerie nationale qui avaient dirigé la prison pendant la dictature ont été condamnés à de lourdes peines de prison : la justice a établi que le régime quotidien et les décès qui ont eu lieu à Coronda constituaient des crimes contre l’humanité. 



Internationalisation de la mémoire

Alfredo Vivono, qui en septembre 2022 a participé en Suisse, en France et en Italie au lancement de la version italienne de Del otro lado de la mirilla, anticipe l’émotion produite par la célébration à Rosario et ne peut éviter une réflexion complémentaire : en tant que collectif, des frontières planétaires ont été franchies. « Nous sommes à Rosario et nous penserons là-bas, loin et près, à des milliers de kilomètres, où nous voyons les visages de femmes et d’hommes que nous sentons déjà comme des frères et des sœurs. Depuis 5 ans, nous marchons avec des Suisses et des Suissesses, des Français et des Françaises, des Italiens et des Italiennes. Del otro lado de la mirilla ; Ni fous ni morts ; Grand Hôtel Coronda : une succession sans fin de volontés qui revendiquent la même passion/obsession pour la Mémoire, la Vérité et la Justice ».


Augusto Saro

Augusto Saro, qui faisait également partie de la délégation périscopienne chargée de présenter le livre en Europe, partage cet avis : « Nous avons découvert dans El Periscopio la magie d’une planète globale ». Selon lui, ces visages lointains - à plus de 11 000 kilomètres de distance et 45 ans plus tard - qui s’émeuvent aujourd’hui de l’histoire des prisons et des centres de détention clandestins de la dictature argentine, « ne vibrent pas par volontarisme mais par nécessité. Nous lire, nous traduire, nous publier, nous écouter, c’est pour eux faire partie d’un dialogue ouvert. Ce qu’ils ont vécu à Coronda, Devoto, Mendoza, Rawson, Córdoba, Resistencia, Caseros, dans chaque centre de détention, les rapproche de leurs propres histoires continentales de lutte, hier et aujourd’hui ».

Don Luigi Ciotti, prêtre anti-mafia et point de référence pour les sans-papiers arrivant en Italie, a introduit dans sa préface à Grand Hôtel Coronda une réflexion généreuse dédiée à El Periscopio, étendue à tous les militants des droits humains en Argentine et dans le monde : « Votre dévouement est un acte de grande générosité. La générosité de la mémoire n’est jamais un devoir, (surtout pour ceux qui sont passés par le territoire le plus extrême de la douleur), mais un choix, un chemin, un don ». 

Rappelant ce qu’il a vécu lors de sa tournée européenne, Augusto Saro conclut : « Lorsque nous présentons nos témoignages, les héritiers des partigiani résistants italiens sont émus, les jeunes qui cherchent désespérément des alternatives à la planète qui bout ou à la domination patriarcale sous toutes ses formes sont interpellés... Bénie soit la résistance unie, nous disent-ils avec émotion ». Heureuse la résistance unie, nous disent-ils avec émotion ». Bénit soit l’Autre Monde possible et de plus en plus nécessaire, répond El Periscopio.


15/01/2023

  SERGIO FERRARI
16-20 janvier 2023 : Davos se cherche une boussole
Un forum dévalué


Sergio Ferrari , 14 janvier 2023
Traduit par 
Fausto Giudice, Tlaxcala

« Les riches et les puissants se pressent à Davos pour discuter à huis clos du climat et des inégalités en utilisant le moyen de transport le plus inégalitaire et le plus polluant : le jet privé », souligne l'ONG internationale Greenpeace...La planète Terre, en flammes, cherche et attend toujours des solutions climatiques, la démocratie et la relance économique avec équité. Une société mondiale plongée dans l'incertitude. Et dans ce concert, un Davos dévalué. On prend les mêmes et on recommence.

La société civile ne renonce pas à ses critiques

Du 16 au 20 janvier, le Forum économique mondial se réunira à nouveau à Davos sous le thème “De la coopération dans un monde fragmenté”. Plus de 2 500 participants, dont une cinquantaine de chefs d'État ou de gouvernement, arriveront dans la station d'hiver des Alpes. Contrairement au passé, à l'exception du chancelier allemand Olaf Scholz, aucun dirigeant de grande puissance n'a confirmé son voyage à Davos. 

Comme de coutume, des représentants du monde des affaires, de la politique, de la science et de la culture arrivent. Selon les autorités suisses, entre 200 et 300 d'entre eux sont protégés par le droit international (par exemple, des chefs d'État et de gouvernement, des ministres ou des représentants de haut rang d'organisations internationales), ce qui nécessite une sécurité accrue.

Le dispositif de sécurité du Forum économique mondial (WEF) coûtera environ 9,7 millions de dollars, dont un tiers sera financé par le Forum lui-même et le reste par les autorités fédérales, cantonales et municipales suisses, c'est-à-dire les contribuables suisses. Ce facteur a été critiqué à plusieurs reprises par les médias nationaux, qui mettent en cause cette participation excessive de l'État à une initiative privée.

Un monde en crise

Comme le soulignent les organisateurs du Forum, le monde est confronté à une crise débilitante. Ils ajoutent que les conséquences de la pandémie de Covid-19 et la guerre inattendue entre la Russie et l'Ukraine augmentent l'incertitude mondiale, ce qui entraîne une forte baisse de la croissance et une hausse significative de l'inflation. Cela exige des solutions audacieuses et collectives.

Le 53e Forum de Davos s'articulera autour de cinq axes thématiques : les crises énergétique et alimentaire ; l'économie dans une période de forte inflation, de faible croissance et d'endettement élevé ; les contraintes pesant sur l'industrie ; la vulnérabilité sociale dans le contexte d'un nouveau système de travail ; ainsi que les risques géopolitiques dans le cadre d'un nouveau système mondial multipolaire.

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